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LE MARI PASSEPORT

le forcer, en ce lieu, à prendre un aliment quelconque.

L’avocat de la partie adverse se lève et affirme qu’il ne peut rien croire de ce que je dis, que c’est la Kalmine qui a tué Soleiman.

L’interprète déclare en mon nom que c’est impossible.

Et l’avocat reprend :

— Je t’en donnerai la preuve demain.

Cet homme est odieux. Il embrouille volontairement les dates, mais, dans cette affaire, elles n’ont heureusement aucune importance. Je le traite de « kaseb » et « battal » — méchant et menteur. Mes interprètes, dont l’un connaît Paris et parle un excellent français, me conseillent la modération. Le consul de France m’avait annoncé que je pouvais avoir toute confiance dans ces interprètes, Ibrahim Radwan et Négib Saleh, qui, il faut le reconnaître, furent parfaits, et c’est leur douceur et leur compréhension qui m’encouragèrent le plus pendant le procès.

L’audience est levée.

Je réintègre mon cachot. Une réaction mentale s’opère : je me sens tout à coup à bout de forces et la tête me fait mal à pleurer. Et puis, j’avais tant cru en finir aujourd’hui.

Mercredi 14 juin. — La nuit a été plutôt mauvaise, angoissée par cette instruction qui n’a pas fait un pas vers l’acquittement. Neuf heures. Je me trouve devant le cadi qui procède à l’interrogatoire des témoins de la mort de Soleiman.

Le premier dépose sous la foi du serment.

— J’étais dans la pièce à côté de celle occupée par Soleiman. Il s’est mis à tellement souffrir vers onze heures du soir que nous l’avons frictionné en