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LE JUGEMENT

Pendant que l’interprète traduit, j’observe la foule, elle semble visiblement étonnée par la situation que crée mon plaidoyer.

Le cadi reste accroupi, impassible, en s’éventant, puis en enlevant son petit bonnet (cofia) pour aérer son crâne.

Plusieurs fois on veut m’interrompre, me disant de répondre simplement « oui » ou « non », mais je tiens à préciser.

Je continue en expliquant que je n’avais aucune raison pour tuer Soleiman. Une ressource pour m’en débarrasser me restait : en rentrant chez moi, en Syrie, j’aurais obtenu le divorce très facilement.

Le cadi reprend d’une voix insinuante :

— Aux royaumes de Nedj et du Hedjaz, le divorce n’existe que sur la demande de l’homme. Tu ne le savais pas, tu l’as appris à Djeddah et tu as voulu te libérer ainsi.

— Je pouvais de toute façon m’échapper sans le tuer. Le consul m’avait déconseillé ce voyage et m’aurait fait embarquer si je lui avais demandé de partir.

« C’est moi qui me suis entêtée à vouloir traverser le Nedj, à séjourner à Oneiza, à traverser le désert du Hofouf. Je n’attendais que la permission du roi pour partir. Pourquoi aurais-je tué Soleiman avant de connaître la décision royale ?

Je termine mon plaidoyer par mon dernier argument, et peut-être le plus fort, en invoquant comme témoin tout le harem. Comment aurais-je pu donner du poison à un homme avec qui je ne prenais pas mes repas, avec qui je ne vivais pas et que je ne voyais en tête à tête que dans une pièce vide chez Ali Allmari ?…

Il aurait été impossible et absurde de prétendre