Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.

211
LE JUGEMENT

tendue du consul qui, croyant que j’avais vu le cadi, vient se renseigner sur cette entrevue.

L’interrogatoire ne peut donc plus tarder.

Lundi 12 juin. — Je me réveille de très bonne heure, très agitée. Pourtant il faut que je reste calme. Vers 10 heures, on me donne l’ordre de me préparer à comparaître devant le cadi. Le grand jugement va commencer. Je pars au tribunal entre les gardes du roi, à pied et voilée.

Catastrophe !… l’interrogatoire est remis au jour suivant, les interprètes font défaut.

J’ai cependant bon espoir pour le lendemain. Mais j’oscille sans cesse entre des sentiments contraires, et la seule satisfaction réelle que j’éprouve consiste à imaginer mon plaisir lorsque je serai enfin libre, si je le suis…

Mardi 13 juin — Dès 9 heures, je m’impatiente et demande de nouveau à comparaître devant le cadi. Les interprètes ne sont pas arrivés. L’attente est interminable. À dix heures, je pars à pied, voilée, encadrée de mes deux policiers, baïonnette au canon. L’air pur, la lumière, l’espace, la marche que j’ai presque oubliée me donnent un plaisir physique. Je me sens pleine de courage et d’autorité, prête à lutter férocement contre l’accusation qui pèse sur moi.

Le tribunal se trouve être à une dizaine de minutes de la prison. Le chemin longe les consulats d’Italie, d’Angleterre et de Hollande. La seule vue de ces pavillons européens ranime mes envies d’évasion. D’un bond, je pourrais franchir une de ces portes. Mes impulsions étant toujours aussi forte que mon raisonnement, j’ai beaucoup de mal à dominer mon ardent besoin de fuir. Mais à quoi bon risquer de tout compromettre au moment où je touche au but ?