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ATTENTES

— Tu es une mère ?

— Oui.

— Tu dois vivre pour tes enfants.

— Je ne vivrai pas si tu prolonges trop ma captivité.

— Le cadi est malade, c’est ce qui retarde ton jugement ; dès qu’il sera mieux, on t’appellera et ton procès sera son premier travail, le roi l’a ainsi ordonné.

Enfin un renseignement. Tout m’indiffère désormais et je voudrais que mon sort, quel qu’il fût, se décidât très vite. Savoir, savoir.

29 mai. — Horrible frayeur dans la nuit. Je suis réveillée en sursaut. Un coup de fusil éclate dans le hall des condamnés : cris, hurlements, plaintes, bousculade, branle-bas. Je crie. Un de mes fidèles gardes, pour me rassurer, entre, il me raconte qu’un fusil est tombé par terre, que le coup est parti seul…

Dans tous les pays le mensonge policier est le même.

Les soirs où je me sens trop nerveuse, où l’angoisse m’étouffe, mon gardien se met contre ma porte extérieurement et chante de ces airs arabes monotones, gutturaux, mais qui sont mes narcotiques et dont je ne peux plus me passer. Et c’est une douceur de sentir ce cœur ami qui chante derrière ma porte pour me dire : « Je suis là, je te protège, je te garde. »


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