Mais il ne comprend pas et me regarde avec ses immenses yeux toujours étonnés.
— N’est-ce pas la question classique, polie, qu’on pose à tout le monde ?
— Pas à moi, dans ma situation, Ahmed.
23 mai. — Je retrouve au fond d’une chaussure une boîte de cutex oubliée par l’analyse. Je me frotte les ongles pendant des heures. À la nuit, je casse mon verre de lampe. On va vite, malgré l’heure tardive, m’en chercher un autre ? J’ai dû prier avec force mon gardien, car j’aurais trop peur de passer la nuit dans les ténèbres. Ali Abdou, un type de Djibouti, s’est précipité. Dès que j’ai été un peu familiarisée avec mes gardes, ils ont été tous parfaits de correction, d’exactitude, de politesse.
La police wahabite est impeccable, et ces hommes, durs pour leurs semblables, ont eu à mon égard de ces délicatesses, de ces bontés qui ne viennent que du cœur. Même les prisonniers que je devais souvent enjamber pour traverser le hall ont toujours conservé la meilleure tenue. S’imagine-t-on ce qu’une telle promiscuité aurait été en Europe ?
Jeudi 25 mai. — Vers 11 heures, un garde inconnu me dit de m’habiller pour comparaître devant le cadi. Je tremble, mais je bondis de joie. Quoi qu’il arrive, je vais pouvoir quitter ces lieux que j’exècre. Mais hélas, après le questionnaire classique de nom, prénoms, etc… lieu d’habitation, le cadi, sans un mot, lève la main, et le docteur Akram qui sert d’interprète me dit que c’est fini.
Je voudrais qu’on me questionne encore pour terminer leurs hésitations, je ne pensais plus retourner à la prison, mais repartir directement à la maison de France.
J’insiste ardemment.