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ATTENTES

miracle, sa baïonnette glisse sur la poitrine nue de l’un d’eux également couché par terre. J’aime cette température ; alors que tout le monde me demande comment je la supporte, c’est le moindre de mes soucis.

Le consulat m’envoie des peignes que j’avais demandés pour tenir mes cheveux, car ils deviennent longs et tombent sur mes épaules ; je n’ai pas de miroir et mes soins de toilette sont bien précaires.

Le docteur Akram vient m’examiner avec un pharmacien qui était à l’université américaine de Beyrouth. Il connaît le docteur Escher, un de mes amis de Syrie. Nous voilà en pays de connaissance. Ils me parlent de 15 jours d’attente encore. Hélas ! je n’ai plus de patience. Le pharmacien m’envoie une potion pour calmer mes nerfs. Je ne la bois pas. La légation m’a, sur ma demande, remis un dictionnaire anglais pour travailler cette langue, mais ma pauvre tête est dans un tel état que je ne puis fixer mon esprit.

Autrement, la prison serait évidemment le lieu rêvé pour l’étude.

Un des petits esclaves de chez Ali Allmari vient me voir avec le fils de Sett Kébir. Je les embrasse, si heureuse de revoir des figures amies. Tout le harem, paraît-il, pense à moi. Sett Kébir m’envoie du miel de Médine. Elle est touchante et je l’aime bien. Le petit esclave Ahmed me crispe, car son cerveau d’être inférieur ne l’inspire guère. Voulant être aimable, il rompt nos silences par le leit-motif arabe qu’on place plusieurs fois dans chaque conversation : « Enta mabsout ? » « Es-tu contente ? »

À la troisième fois, je finis par éclater :

— Tais-toi, Ahmed, non ! je ne suis pas contente, seule, enfermée, malheureuse.