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LE MARI PASSEPORT

armée de punaises et de fourmis, j’entrevois une nuit de sommeil ininterrompu.

M. M… m’avait envoyé aussi quelques livres, mais on ne me les avait pas remis. En entrant dans ma pièce, il en tenait deux à la main qu’on n’osa pas lui enlever. Jaber Effendi les feuilleta d’un air inquisiteur puis me les laissa. Étendue sur mon petit lit, je bouquine avec délices… Je constate, une fois de plus, que tout bonheur est bien relatif. Quelques jours après, M. M… m’envoya même un fauteuil en rotin. Mon confort augmenta et surtout je ne me sentais plus abandonnée. Sa franchise autoritaire, presque brutale par instants, me rendit l’espérance. Son mélange de douceur et d’énergie, son assurance à me certifier l’heureuse issue prochaine de ce drame me firent le plus grand bien.

Il est rare de rencontrer un fonctionnaire de caractère, et j’étais persuadée qu’il ferait tout ce qui lui serait possible pour me sauver.

En fin de journée, un serviteur m’apporte mon premier repas complet du consulat. Des œufs, du poisson, de la viande. Tout cela sur un grand plateau, dans des assiettes, ce qui m’éblouit autant que mes voisins de captivité. On présente les mets avant de me les servir à Jaber Effendi, il soulève les assiettes, les regarde en-dessous, également sous le plateau et, quand il est sûr qu’aucun signe cabalistique n’orne ma vaisselle, un gardien me remet ma nourriture.

J’ai perdu l’appétit et je distribue la moitié de mes vivres aux autres captifs avec qui je sympathise. Je m’endors enfin dans un lit !… à peine soucieuse maintenant de l’avenir, toute à la joie des améliorations que cette journée m’a procurées. Et moi qui avais cru, la première fois que j’avais dû