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VIE EN PRISON

geaisons. On m’apporte encore du consulat des biscuits et de l’eau minérale. Je bois du thé, car les « kawagis > peuvent, 4 ou 5 fois par jour, vendre ce thé aux prisonniers. Je mange aussi des olives.

On ne se figure pas, dans le courant de la vie, comme il faut peu pour vivre.

Pour ne pas devenir folle, je me donne des besognes à accomplir. Je tue des punaises, cela pourrait occuper un demi-siècle. J’attrape également de grosses araignées aux becs redoutables et je cherche à boucher les trous de mon plancher avec du papier. Mais il vient du bas un vent fétide si violent que le papier est enlevé et va s’accrocher dans les toiles d’araignées du plafond.

Cependant mes maux prennent mauvaise figure. Ma peau s’en va par morceaux comme celle des lépreux. On m’amène le docteur Akram. C’est un homme compatissant, sympathique, très bon. Il parle bien le français et me conseille de demander à l’émir de Djeddah mon transfert à l’hôpital.

Il m’envoie ensuite de la poudre de talc dans un cornet de journal et de la vaseline dans un petit pot de carton. Cette attention me touche et me procure un très grand adoucissement. Jusqu’alors je jetais un peu d’eau sur mes chairs enflées pour obtenir un répit momentané, mais ensuite je ressentais une souffrance et une brûlure pires.

Le consulat m’envoie toujours des aliments, des côtelettes, du rôti de mouton. Mais, malgré mon désir, c’est à peine si je puis manger. Tout en moi est contracté et refuse de fonctionner, surtout ma gorge et ma bouche.

Dans l’après-midi je reçois également du tissu, du fil, des aiguilles que j’avais demandés pour m’occuper. J’ourle des mouchoirs.