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VIE EN PRISON

La vue de ce drapeau m’émeut profondément, jusqu’aux larmes.

Je voudrais des réponses à mes lettres, car le plus pénible, c’est de ne rien savoir.

J’écris à l’émir de Djeddah.

Mais ni lui, ni Fouad Hamza, ni Ibn Séoud ne me donnent signe de vie. Il est vrai que je leur écris en français. Et puis, reçoivent-ils ces lettres ?

Deux jours après mon arrestation, Saïd bey a été révoqué. Le nouveau directeur de la police passe souvent devant mes fenêtres, jamais il ne m’a adressé la parole. Je m’efforce d’apitoyer Jaber Effendi. Je lui demande de me faire remettre la valise de Soleiman, ses grandes abayes, son manteau-cape qui me serviraient d’oreiller. Mais on me refuse tacitement tout cela.

Le 29 avril, le consulat me fait parvenir des côtelettes et de l’eau minérale. Dans ma situation, la moindre douceur est un grand luxe.

L’espoir me revient. Tantôt, je renonce à tout, j’appelle la mort qui me permettra le suprême voyage et d’avoir le grand mot de l’au-delà, ce départ définitif. Tantôt je voudrais vivre et sortir innocente de ce traquenard, retourner embrasser ceux que j’aime.

Le 30 avril, Jaber Effendi m’apporte la Vie de Mahomet, saisie dans ma valise et que je réclame depuis mon incarcération.

J’y lis des choses étonnantes. Des exemples de courage de guerriers arabes qui me stimulent à mourir comme eux.

En voici un absolument héroïque :

« À la bataille de Ohod, la troisième année de l’égire, le porte-étendard quoraïchite est tué, plusieurs hommes lui succèdent et meurent à leur