platitude et le conformisme. Et j’en souffre comme j’en ai toujours souffert, mais avec quelle acuité !
Cette dureté et cette incompréhension m’exaspèrent et je crie :
— Je voudrais de l’eau minérale, une cuvette, un savon, un lit, de la nourriture.
— Bon, on vous enverra tout ce qu’il faut.
Elle m’a répondu la même chose la veille et j’attends toujours. Je lui montre encore mes jambes enflées et couvertes de piqûres.
— Ce sont les puces, constate-t-elle froidement.
— Pourquoi le ministre ne vient-il pas me voir ? Me croit-il coupable ? Me recevra-t-il si je m’échappe ?
— J’ignore tout, et, ajoute-t-elle en se dirigeant vers la porte, c’est ma dernière visite, le bateau part demain.
Brusquement, face à elle, je lui tends une lettre pour le consul, l’implorant pour qu’on m’exécute vite. Elle recule. Sa terreur, sa stupidité lui font décliner ma demande, elle se tourne vers Jaber Effendi, quêtant du regard son autorisation. Mais celui-ci, les yeux brillants, a déjà repéré le message et le saisit.
Je regagne ma cellule sans plus regarder cette écœurante personne, que la peur paralyse, et qui dans une telle situation n’a pas su me dire un mot réconfortant, n’a pas su avoir un geste pour m’aider.
Maintenant je songe à l’Indou du voyage de Suez à Djeddah, qui, lui, savait trouver pour toutes les misères lointaines du monde le mot qui panse, la formule qui compatit, le geste même, le modeste geste qui cependant soulage.
Mais ces âmes asservies que fabrique l’Occident européen, privées de toute individualité, de toute gé-