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LE MARI PASSEPORT

honte d’introduire quelqu’un dans mon répugnant taudis.

En haut, déception atroce, je me trouve en présence d’une infirmière du « Frigi », bateau français actuellement en rade et qu’on a fait chercher. C’est la seule femme française à Djeddah. Elle n’y était même pas descendue et l’histoire de mon aventure ne lui a guère donné envie de visiter le port. Cette personne terrorisée par la mission dont elle était chargée, et vraisemblablement par les horreurs qu’on lui avait dites sur moi, me sembla stupide et sans cœur.

À tout ce que je demandais, et Dieu seul sait si j’avais des questions palpitantes à poser, elle me répondait :

— Je viens voir comment vous allez.

J’appuyai mes mains sur les siennes.

— Vous avez la fièvre, dit-elle. Avez-vous besoin de quelque chose ?

— Mais de tout ! Je n’ai rien à boire, rien à manger, rien pour me laver, pas de lit. Je voudrais de l’eau minérale, j’ai écrit au roi, au consul pour en avoir, je vais mourir de soif et personne ne me répond.

Elle m’assure alors qu’elle transmettra mes commissions, puis s’en va…

J’avais mis tant d’espoir secret dans cette visite que je me sens à bout.

Et ma songerie reprend, hallucinante, affolée, découragée.

J’aime mieux être exécutée de suite que de vivre dans cette attente du supplice, enfermée, privée de tout, sans nouvelle de personne. Je pense à ma mère, c’est aujourd’hui l’anniversaire de sa mort, une tristesse de plus m’emplit l’âme. Bientôt je la rejoindrai.