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LE MARI PASSEPORT

— Mais quand ? Et pourquoi m’avoir trompée ? Saïd bey a dit qu’il allait mieux.

— Il est mort la nuit de ton arrestation.

— Donnez-moi les détails !

— Il a avalé le poison vers dix heures et, à minuit, il était mort.

J’envisage d’un coup le nouvel aspect de ma situation et je tente une dernière question :

— A-t-il dit : « Je meurs à cause de Zeînab ou c’est Zeînab qui m’a tué ? »

— Pourquoi ?

La différence est totale : s’il a dit qu’il mourait à cause de moi, c’est vrai, car c’est moi qui l’ai entraîné dans ce voyage, mais je sais bien qu’il n’a pas dit que je lui avais donné le poison.

Mon plaidoyer détend ces figures sérieuses et Jaber Effendi, riant, riposte :

— Tu es un avocat, tu n’en as pas besoin pour te défendre, tu es habile, toi.

— J’en veux un, je ne connais pas bien vos lois, et ma solitude me déprime plus que tout.

Ma froideur, cependant, devant la nouvelle tragique surprend ces êtres habitués aux démonstrations pathétiques de ces femmes d’Orient. Le perspicace Jaber Effendi murmure :

— On dit qu’il n’était pas ton mari !

— Non, avouai-je. Voilà le secret que je voulais dire à quelqu’un de chez le roi ou au ministre de France. C’était un mariage sans réalisation charnelle. En France, nous appelons cela un « mariage blanc ». J’avais pris Soleiman seulement pour voyager. Ses frères et mes domestiques de Palmyre le savent et pourront témoigner. Cela vous explique mon innocence. Pourquoi l’aurais-je tué ? J’étais libre en somme. C’était moi qui commandais et je