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INTERROGATOIRES

Jamais je n’aurais pu imaginer un lieu aussi horrible, le plafond est recouvert d’une espèce de mousseline noire de toiles d’araignées, qui pendent en stalactites sur une épaisseur d’un mètre, au moins, Cela suinte d’humidité, en gouttelettes visqueuses accrochées au plafond comme des verrues liquides. Quant au sol, humide, gluant, il est fait de vieilles planches, percées par endroits de larges trous où tout le pied peut passer. On glisse à chaque pas, sur toutes sortes d’immondices laissés par mes prédécesseurs. Une odeur fétide, asphyxiante, me tourne le cœur, d’autant plus que je suis sans nourriture depuis 24 heures… Les gardes déposent une petite lampe dans un coin et m’abandonnent à cette puanteur après avoir fermé les deux battants de la porte branlante, attachée avec une cordelette.

Terrifiée, impuissante, je me tiens debout face à la porte, ne pouvant ni m’asseoir, ni me coucher dans ces ordures.

Et la nuit commence. Un bruit d’ailes, suivi d’un choc contre mon corps, me tire brusquement de ma torpeur, puis un autre, et ainsi de suite à la cadence d’un par minute, sur ma tête, ma poitrine, mes jambes. Ce sont d’énormes cafards marrons, de l’espèce volante qu’on a en Orient, qui m’ont prise pour cible. À chaque coup je tressaille, j’empoigne la veilleuse, espérant me protéger en bougeant. J’avance avec précaution dans cette boue de résidus humains ; mon premier pas, au bord d’un trou, fait jaillir, comme mue par un ressort mécanique, une nuée de ces horribles bêtes. Paralysée de terreur, je reste sur place, projetant la lumière autour de ma cellule. Le spectacle m’achève, une armée de cafards prend possession de cette prison, les murs ont l’air vivants sous ce grouillement brun. Dans