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LE MARI PASSEPORT

Voici le Moudir Cherta lui-même.

Il est calme et impassible. Au moment où il rentre, tout le monde se rue vers lui. Et moi, je fais de même et je m’accroche à son bras que je secoue pour qu’il me réponde.

— As-tu vu Soleiman ?

Tous sont stupéfaits de mon audace. On me regarde évidemment avec une horreur mitigée de respect.

Le Moudir Cherta est le grand chef de la police. Il consent à me répondre :

— Oui, je l’ai vu. Il a même vomi devant moi.

Et il mime la nausée.

— Pourquoi ne me mènes-tu pas le voir ?

— Il a la tête fatiguée et la fièvre.

— Dit-il toujours que c’est moi qui l’ai empoisonné ?

— Oui, il t’accuse toujours.

— Alors, il est très fâché contre moi ?

— Non, il parle très bien de toi.

Je n’y comprends rien. Les docteurs écoutent, bouche bée, l’air féroce, prêts à punir mon impudence. L’un d’eux s’avance et, me regardant droit dans les yeux, articule :

— Soleiman t’accuse de l’avoir empoisonné. De plus, trois camarades de chambre certifient l’avoir vu prendre vers dix heures du soir une poudre rouge délayée dans de l’eau. Ces trois Arabes s’informant de ce qu’il avalait, il a répondu : « Zeînab m’a donné cela pour me purger ».

— Sans hésiter, je réponds : C’est faux. Je suis sûre que Soleiman n’a jamais dit cela.

— En plaisantant, Soleiman a aussi ajouté : « Peut-être que Zeînab aime un autre homme et qu’elle me donne cela pour se rendre libre ».