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LA PRISON

tesse de l’Oriental, il me répond : « N’aie pas peur avec mol, tu es ma sœur ! » (sic).

Quelle résistance opposer à cette forte douceur ? Cet homme convaincu de ma culpabilité, convaincu de ma prochaine exécution m’appelle : « ma sœur » !

Je souris et, voulant être à hauteur d’une situation sans issue, je pose ma main sur son bras en ajoutant :

— J’ai confiance en toi, je te suis.

Les policiers bourrent avec moi les valises (j’ai celle de Soleiman et la mienne), tassent tout avec leurs poings ou leurs talons, le mur d’armes s’entr’ouvre.

Je traverse le hall, la tête haute, je descends des marches et je réalise assez mal ce qui se passe, jusqu’au moment où je me trouve dans une auto. Saïd Bey est à côté de moi. Près du chauffeur, sur les marchepieds, des grappes de soldats et de policiers s’installent, armés jusqu’aux dents.

L’auto démarre, nous longeons la légation de l’Irak, celle de France… puis-je m’échapper, sauter de l’auto ? Mais, en admettant que je ne me casse pas une jambe en tombant, je serais immédiatement abattue par ces gens armés.

En outre, il est si tôt que les portes sont encore fermées et il me faudrait, pour réussir, entrer en trombe. D’ailleurs, c’est fini, le consulat de France n’est plus devant moi, l’auto est arrêtée devant une petite maison blanche, surplombante, appuyée dans la mer Rouge par quelques pilotis. Le premier étage est encerclé d’un balcon qui lui donne l’aspect inattendu d’une petite villa.

La garde m’entoure immédiatement, tandis que je franchis le seuil de la prison. Je passe la première, les soldats se mettent au garde-à-vous quand