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LE MARI PASSEPORT

passer la soirée avec moi. J’avais peur toute seule et il n’a pu repartir puisque tu étais là.

Pas de réponse, mais la figure devient de plus en plus féroce… et petit à petit, derrière lui, on pousse la porte. Quelques policiers entrent, je veux les renvoyer, mais Saïd Bey me fait signe de les laisser venir. Les figures sont expressives, sauvages. Toutefois le chef ne bouge pas, et tous, à son exemple, se maîtrisent. Silence, mépris plus tragique que des injures ou des coups. Par la porte, dans la pénombre du jour naissant, brille le filet argenté des baïonnettes.

Je fais l’interprète, car Saïd Bey demande :

— Me connaît-il ?

Buté, M… fils répond : « Non ».

Saïd Bey articule :

— Moi, je le connais, monte-t-il à cheval ?

M… fils : « Oui ».

— Il a monté le cheval du directeur de la police, le mien, et, puisque je le connais, je sais qu’il a un passeport diplomatique. Il est libre.

Mon camarade ne bouge pas, j’ai envie de pousser, c’est une chance inespérée que celle de pouvoir prévenir le consulat.

— Je ne veux pas vous laisser seule, insiste-t-il doucement. Dieu sait où ils vont vous emmener et ce qu’ils feront de vous.

— Évidemment, mais vous n’y pouvez rien. Mon seul espoir de salut est M. votre père, partez vite lui dire tout, je vous en supplie.

Puis je me révolte contre le mudir Cherta qui veut me saisir et je m’écrie :

— Où vas-tu m’emmener ? Que vas-tu faire ? Je ne veux pas partir avec toi, j’ai peur !

Avec son effrayant sourire et l’inaltérable poli-