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LE MARI PASSEPORT

M… fils me dit alors gentiment : « Reposez-vous pendant que je veillerai, demain vous aurez besoin de toutes vos forces. »

C’est la seule chose à faire en effet. Nous nous allongeons côte à côte, très doucement et tout habillés, sur le même lit, pour pouvoir converser avec le minimum de bruit. La veillée commence, angoissante.

Mon compagnon me dit que, la semaine précédente, le gouverneur de Médine a attaché par les bras à la queue d’un cheval un homme coupable d’adultère. Il va de soi que le malheureux a été horriblement mutilé.

À deux heures l’appel du muezzin est accompagné par des bruits d’armes dans notre couloir. La police prie aussi. Devant mes fenêtres, des soldats vont et viennent et dans le hall des conversations se poursuivent à voix basse. Sans doute les chefs de la police prennent-ils le café ou jouent-ils aux dés.

Par un vasistas grillagé, les gardes qui occupent la chambre voisine plongent chez moi. Mais ils ne peuvent nous voir dans le noir et sous la moustiquaire. Chaque fois que je parle, je tire la tête de M… fils par les cheveux et murmure, la bouche appliquée à son oreille.

L’aube pointe enfin. Saïd Bey trouve que le moment des politesses est passé. À travers la porte il m’interpelle. J’entrebâille la porte et glisse ma tête terrifiée dans le couloir.

Il crie :

— Prépare-toi. Je t’emmène.

Je dis fiévreusement :

— Soit. Allons voir Soleiman et tu verras qu’il ne m’accusera pas.