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ARRESTATION

fait que, dans leur esprit, un homme ne peut même pas songer à voir une femme pour d’autres raisons que les plaisirs charnels.

On imagine mon saisissement. Que faire ? Surtout ne pas ouvrir, et je leur dis qu’une femme n’ouvre pas sa porte la nuit, et je m’obstine jusqu’au moment où elle est démolie par les crosses des fusils et les baïonnettes.

J’ouvre donc, et, l’air presque étonné, je me trouve en face d’un grand homme au masque dur, à l’expression farouche et sauvage, aux dents noires dans une figure très bronzée. Pas un geste. Son regard me fixe avec une ténacité oppressante. Il a un air diabolique, immense dans son abaye noire et son kéfié blanc, qui rendent sa figure encore plus effrayante. Il est toutefois d’une parfaite correction et se présente : « moudir cherta », directeur de la police. Saïd Bey.

La politesse arabe n’est jamais en défaut.

Derrière lui, dans l’ombre, scintillent des armes. Il est entouré de toute une escorte de policiers et de soldats.

Je supplie Saïd Bey de m’emmener auprès de Soleiman qui devant moi ne dira jamais que je lui ai donné un poison. Je m’accroche à son bras et essaye avec toute l’énergie possible de l’entraîner vers l’hôpital où se meurt Soleiman ; mais Saïd Bey se contente de me poser les mêmes questions qu’Ali Allimari. J’ai beau soutenir que je n’ai rien donné à Soleiman depuis huit jours, on m’arrête.

Au moment où l’on s’apprête à m’emmener, le téléphone sonne : c’est l’émir de Djeddah, qui donne l’ordre qu’on me laisse finir la nuit à l’hôtel, et que l’on me mette en prison au matin seulement.