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LE MARI PASSEPORT

que les usages et la politesse réclament ma présence ici jusqu’au départ du consul, par qui j’ai été amenée sur ce bateau. Nous quittons le bord vers cinq heures. Mais c’est pour aller prendre un « whisky and soda » sur un navire anglais. Les fauteuils y possèdent un confort vraiment britannique. La musique de danse est entraînante, la journée se termine bien.

Nous rentrons au harem à huit heures ! M. M… m’y accompagne, vu l’heure si tardive en ce pays.

À travers les « moucharabiehs » du troisième étage, les femmes m’ont guettée avec une ardente curiosité. Sett Kébir accourt me demander qui m’accompagnait. Je dis simplement :

— C’est le consul de France.

Mais ces femmes d’Orient ne comprennent rien à notre vie. Elle a vu M. M… se lever dans l’auto, me baiser la main, quitter son casque, s’incliner. Ces signes de déférence lui semblent inexplicables. Et elle répond avec une ironie amusante :

— Es-tu folle ? Un consul va-t-il se déranger pour une simple femme comme toi !

Mais elles ne sont pas au bout de leurs surprises.

Car un mot de M. M… m’est apporté par une esclave. Il me dit que la partie de chasse prévue à bord du navire anglais, pour le lendemain, est remise. Par contre, dès l’aube, un coup de téléphone de M. M… fils remet l’affaire sur pied. Il m’annonce qu’une auto va venir me prendre. Stupeur, ahurissement emplissent le harem. Dans cette existence monotone, oppressante et triste, où la vie est une sorte de perpétuelle somnolence, j’apporte la révolution. Je pars en auto le long de la mer.

C’est un spectacle étrange que celui de cette étendue, aussi plate et nette. Nous roulons pendant une