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ÉCLAIRCIES

Je manifestai l’espoir qu’il ferait une exception pour moi, une étrangère :

— Vous êtes musulmane, et vous avez cessé d’être étrangère, fait le ministre avec un geste vif…

Cette fois l’audience était bien terminée, je quittai le palais avec regret. En sortant, je jetai un coup d’œil admiratif sur l’étonnante garde, or, écarlate et violette.

Soleiman, que j’avais pensé trouver au palais ou sur la route, était resté introuvable. J’espérais ensuite qu’il serait à la maison, et mon désir était de l’expédier d’urgence voir le roi. Je ne le trouvai nulle part, et tout le monde ignorait où il avait pu se rendre. Durant sa visite matinale du lendemain, il me dit, mentant encore, qu’Ibn Séoud n’avait pu le recevoir : « Blagueur, tu n’y es pas allé. Fouad Hamza t’a fait chercher inutilement. Va, maintenant. Sa glorieuse Majesté t’attend. » Il part.

À onze heures, M. M… me téléphone pour m’inviter à déjeuner. Il ne voulait pas qu’une Française passât par Djeddah sans être reçue à la maison de France. J’accepte, on le devine sans peine, et je dis à Sett Kébir que je pars pour le consulat.

— Tu n’as pas honte ! s’exclame-t-elle, de voir ainsi sans cesse des chrétiens « nosranis ». Quelle est ta pudeur, pour oser parler ainsi librement à des hommes ! Si tu ne changes pas, tu ne deviendras jamais une bonne et vraie musulmane.

Je rétorque :

— Je serai musulmane comme les femmes de Turquie et d’Egypte, que je connais fort bien, et qui sont encore bien plus émancipées que je ne le suis ici.

Elle se tait. Je mets mon voile et ma belle ceinture d’or, trouvée au souk de Djeddah, puis je quitte