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LE MARI PASSEPORT

et même plusieurs fois par jour. Je devenais une attraction.

Il me vint alors l’idée de les distraire en leur apprenant des jeux d’enfants : colin-maillard, le furet, des rondes, des farandoles, des exercices d’assouplissement. Avisant une vieille corde qui traînait par terre, je me mets une fois à sauter : l’exaltation générale devient à son comble. On appelle le sous-gouverneur pour qu’il puisse assister à une chose aussi extraordinaire. Il se pâme de rire, avec tout son harem.

Lui reparti, les femmes sont déchaînées et poussent des cris hystériques, les enfants hurlent, tout le monde se met à courir, nous montons sur la terrasse, dans une farandole effrénée dont je prends la tête. Le harem fait bientôt un tel tapage que les policiers et les soldats de la caserne voisine sont obligés de venir, au bas du palais, pour rétablir l’ordre et le silence.

C’est un nouveau scandale, mais nous nous étions au moins bien amusées…

Les femmes, très agitées, se mettent ensuite à taper sur de vieux tanakés vides, en faisant un vacarme effroyable. Puis Mousny, la jolie négresse, se met à danser. Elle danse pendant des heures, les femmes scandent éternellement la mesure, en poussant ces cris arabes, à la fois monotones et lugubres. Mousny, exténuée, s’écroule en sanglotant comme un animal traqué ; je me précipite à son aide et lui demande ce qu’elle a. Elle n’arrive pas à me répondre à travers ses pleurs. Sett Kébir me dit simplement : « Ne t’en préoccupe pas, c’est l’âge. » J’avais une grande sympathie pour Mousny, et, comme j’avais promis à Soleiman de lui acheter une femme, je pensais la demander en mariage pour