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VIE DE HAREM

avons une immense route d’eau (plus large que leurs rues) qui ne tarit jamais, bordée de prairies et d’arbres à l’infini, et que d’ailleurs toute la France est un grand jardin.

Sett Kébir éclate de rire, et me répond, croyant évidemment que mon patriotisme me fait imaginer ces descriptions fantastiques :

— Si la France était telle que tu nous le dis, ce serait plus beau que le paradis d’Allah. Tout le monde voudrait y vivre.

On n’imagine pas combien ma conversation est limitée avec des êtres qui n’ont jamais vu les objets les plus familiers de notre vie courante d’Occident.

Un des autres sujets de conversation tourne autour de l’élégance de leur toilette. Elles sont, en effet, d’une coquetterie inimaginable. Chaque ablution est un prétexte de changement de robe. Elles revêtent aussi bien une robe de soie très habillée à huit heures du matin, qu’une petite robe de calicot à six heures du soir. Fakria, la grande favorite, apparaît dans une nouvelle toilette trois ou quatre fois par jour. Et elle ne vient pas comme une personne qui veut passer inaperçue, mais en attendant, sans un mouvement, les bras pendants, le ventre en avant, les compliments de l’assemblée, qui n’oublie jamais de s’exclamer sur sa beauté et son élégance, tout comme si elle la voyait dans cette robe pour la première fois.

Pour égayer un peu ces journées si longues et si monotones, je leur esquissai un jour des pas de fandango, de valse, de charleston, au plus grand bonheur de ces malheureuses, qui n’avaient évidemment jamais rien vu de semblable. Elles me demandèrent, par la suite, de recommencer tous les jours,