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TÉLÉPHONE

Je hausse les épaules :

— Je contemple le téléphone, cela m’amuse.

Puis je vais regarder par la fenêtre à travers les volets. Le temps passe, je deviens nerveuse. Je m’avise de dire maintenant, en manière de défi, que, morte ou vive, nue ou habillée, je me rendrai bientôt au consulat français. Elles prennent un air de pitié, comme devant une folle :

— Comment ferais-tu, puisque tu ne connais même pas le chemin ?

Je réponds que j’ai vu le drapeau français par la fenêtre, et je saurai bien, sachant la direction, trouver la route. Me voyant si entêtée dans cette révolte, elles courent prévenir le sous-gouverneur. Il arrive aussitôt, et me dit avec courtoisie que Soleiman m’a confiée à lui. Il ne peut donc prendre la responsabilité de permettre à une femme musulmane d’aller rendre visite à des chrétiens.

Je le comprends mais rétorque :

— Peu importe, j’ai des difficultés à éclaircir au consulat, et je ne puis te les expliquer en arabe. Il me faut donc y aller. Au surplus, j’ai fait un arrangement avec Soleiman, dont il a dû te parler ; il doit me laisser toujours très libre ; j’irai donc là-bas.

Alors, le sous-gouverneur me formule son entière interdiction. Je lui révèle immédiatement, pour passer outre, que j’ai téléphoné au consul, qui m’attend. Si je ne vais pas à son rendez-vous, il sera mécontent et viendra me chercher.

L’argument est de poids, et porte. Les consuls ont, en effet, un très grand prestige près du roi. C’est ainsi que les esclaves battues menacent d’aller se plaindre aux consuls sans même savoir lequel… Et, lorsqu’elles partent en courant, on ferme les portes, on s’accroche à elles, on les prie de rester jusqu’à