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LE MARI PASSEPORT

samovar et des plats contenant des mets divers. Il y a là des courgettes sans saveur, coupées et cuites à l’eau, de la viande de mouton, du riz et des bamias (cornes grecques), doux et gluants, accompagnés d’une sauce brune ou à la tomate. Nous mangeons comme il sied, en prenant de la main dans le plat les morceaux consistants, et nous épongeons la sauce avec des morceaux de pain…

C’est d’ailleurs ainsi que mange le roi, accroupi à terre avec sa suite.

J’admire cette simplicité biblique, mais m’en accommode mal. Au demeurant, je me salis sans cesse, avec la sauce ou par la chute des morceaux de viande, que je ne tiens pas assez fermement. En sus, je me brûle, car tout a été présenté bouillant. C’est que je voudrais me servir avant que tout le monde, y compris les esclaves aux mains sales, ait trempé ses doigts dans les plats…

Je dis bientôt n’avoir plus faim, car je suis écœurée de les voir toutes triturer et manipuler ce qu’elles m’offrent avec affabilité.

Voici enfin la nuit. Nous allons donc rester au palais, et peut-être y passer plusieurs jours, ce, sans changer de linge, ni de robe. Nouveau supplice. Je proteste à l’idée de coucher par terre, quand à côté nous avons le confortable lit du roi, et je demande alors à Sett Kébir si sa petite-fille Lotfia ne pourrait pas y dormir en ma compagnie.

Cette proposition, qui me semble pleine d’innocence, entraîne l’indignation générale.

— Ce serait, crient-elles toutes, un immense péché.

Cela ne me paraît pas certain et je discute, en alléguant que le sous-gouverneur couche bien dans la chambre de Fayçal.

Mais elles disent que le fils d’un roi est un per-