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LE MARI PASSEPORT

— Une esclave t’a observée par la lucarne de la porte. Or tu ne t’es pas lavée selon le rite. Et puis, il y a quelque chose de grave…

— Mais quoi donc encore ?

— Tu n’es pas épilée.

Je sursaute, elle continue.

— Oui, et nous nous demandons comment ton mari peut te tolérer ainsi, car tu n’es pas une vraie musulmane.

Je devine que les mots ne traduisent pas dans toute leur intensité le scandale que je viens de causer. Mais, comme je suis étendue sur le divan, espérant la paix, je les vois toutes, après un conciliabule religieux, s’approcher de moi, et demander à voir…

Une indignation les prend devant le vivant blasphème que constitue ce système pileux… et elles se mettent aussitôt à l’œuvre, pour me faire rentrer dans la règle : avec des pinces et au besoin leurs doigts, avec un sirop de sucre qui durcit et forme un bloc qu’on arrache d’un coup avec les poils…

Elles me font un mal atroce et leur fièvre est si grande, leur désir d’aboutir d’urgence si ardent, qu’elles m’enlèvent la peau.

Je me défends mal, en leur disant que leur idée de mêler la religion à de telles bagatelles est strictement ridicule. Puisque la foi est dans mon cœur, les poils de mon corps n’y changent rien. Vaines protestations, je n’ai plus la force de batailler ; d’ailleurs je comprends qu’il ne faut pas me faire des ennemies de ces femmes ignorantes, naïves et d’une si originale pudeur.

Alors, avec un rasoir, je termine l’opération commencée par tant de moyens si douloureux. Sett Kébir me demande insidieusement si Soleiman est