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LE MARI PASSEPORT

Je ne suis pas inquiète en ce moment, mais curieuse. Le docteur Yaya s’assied à son bureau et continue à m’interroger. Je fais au mieux pour éviter tout faux pas.

Enfin, il se tait. Je pense qu’il veut passer une visite médicale et j’offre de me dévêtir. Il semble étonné. Je demande s’il veut examiner mes vaccins.

— Mes compagnons, dis-je enfin, m’attendent pour commencer le pèlerinage.

Il m’offre alors une tasse de thé et, en me regardant droit, articule lentement qu’il craint de ne pouvoir me laisser partir.

Je l’interroge avec émotion sur la raison d’un pareil obstacle.

— C’est que tu es Française.

— Je suis Nedjienne par mon mariage, musulmane aussi. Je dois suivre mon mari partout.

— Tu as raison en cela, mais la loi demande à tout nouveau converti de pratiquer deux années l’Islam avant d’entrer à la Mecque.

— Comme Nedjienne je peux aller à la Mecque sans même être convertie, l’ignores-tu ?

Cependant, le médecin ne veut rien décider. Il a téléphoné au sous-gouverneur de Djeddah qui ne veut, non plus, accepter aucune responsabilité. Le roi, les ministres et l’émir de Djeddah sont partis à El Arafat. Il sera impossible de les rejoindre et d’avoir une décision avant trois jours.

La conversation est terminée. Le docteur Yaya conclut que le sous-gouverneur, seule personne qui aurait pu permettre mon départ, s’y oppose absolument, jusqu’à nouvel ordre.

— Tes amis sont maintenant partis vers la Mecque. Ton mari a dû les suivre, me dit-il, à la fin.

Le sous-gouverneur se méfie visiblement de moi.