Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

96
LE MARI PASSEPORT

Disons que Djeddah, qui est soumise à Ibn Séoud, roi puritain du Nedj, fut conquise par lui en 1926. Jusque-là le Hedjaz avait été soumis à Ali Hussein, frère de Fayçal, ancien roi d’Irak. Ibn Séoud possède en tout cas à cette heure les neuf dixièmes de l’Arabie et s’apprête à prendre le reste.

Reprenons notre histoire… Le commandant, ayant fait les examens nécessaires et accompli les formalités classiques, fait défiler les pèlerins devant lui ; les hommes passent, puis moi, seule femme, assez loin derrière. On nous ordonne de nous embarquer sur la vedette. Je m’y accroupis à l’avant. Le docteur Yaya, à son tour, interroge tout le monde : « Quel est ton nom, ton pays, es-tu marié, est-ce ton premier pèlerinage ? »

Mohamed répond qu’il est né à la Mecque et rentre tout simplement chez lui, où il finira sa vie en prière…

L’Hindou, toujours en extase, répond poliment mais à peine. Les autres, Ahmed et Soleiman, sont plus exubérants. Ce dernier se fait remarquer par ses stupidités :

— Je viens de me marier à une Française que je ramène de Syrie.

Le docteur lui demande lentement s’il pense que sa femme saura s’habituer à la vie d’Oneiza.

— Bien sûr, il le faudra, ne doit-elle pas me suivre partout ?

Je suis pendant ce temps sur les charbons ardents, je contiens ma colère et semble ne pas avoir entendu.

Mais le docteur Yaya se tourne enfin vers moi. Il s’exprime en un français parfait :

— Vous êtes Française ?

— Je le suis, ou plutôt je le fus.

— Pensez-vous rester longtemps dans ce pays ?