Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

94
LE MARI PASSEPORT

fera couper ses cheveux durant le voyage pour la Mecque. Il ne cueillera pas un seul brin d’herbe, ni une feuille, s’il veut rester pur ; puisque Dieu lui donne la vie, il lui devient interdit de la supprimer. Dans les lieux sacrés, chasser une mouche qui se poserait sur le visage est un péché. Les femmes en pèlerinage sont entièrement couvertes, de la tête aux pieds, d’un drap blanc ; deux trous pour les yeux sont seuls permis.

Ahmed trouve justement dans les valises de l’Hindou une vaste pièce de cotonnade. J’en fabrique un sac pour moi, et avec mes ciseaux je fais les deux orifices permis. Comme mes compagnons s’informent de ma tenue, je la passe avec un rire de triomphe, mais je ne vois alors que des visages désapprobatifs. Tous déclarent que je suis vêtue de façon inconvenante ; le bas du sac doit balayer la poussière et j’ai raccourci, pour qu’il me soit possible d’avancer, cette robe qui me gênait. Je lui restitue une longueur congrue et je dois percer le trou des yeux bien plus haut que je ne l’avais fait. Je ne sais si, maintenant, je verrai où je pourrai marcher, mais ce sera à la volonté de Dieu.

À l’aube nous voyons les bouées flottantes indiquant l’entrée dans la zone religieuse. Les prières commencent. Tout le monde remercie Allah pour la faveur prodigieuse que sera l’accomplissement du pèlerinage.

Comme Djeddah n’a rien qui mérite d’être vu en détail, nous décidons de prendre une auto à nous cinq afin de gagner la Mecque d’urgence. Il n’est que temps si nous désirons arriver aujourd’hui à la montagne sacrée d’El Arafat.

Mais ce sont là des décisions vaines et mes espoirs vont connaître un terrible démenti.

Il est cinq heures du matin, le bateau stoppe en