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COURBES STATISTIQUES.

dront à une autre grandeur, la courbe tracée exprimera les variations successives de cette grandeur, relativement au temps, et pour employer le langage technique, on dira qu’on a tracé la courbe des variations d’une grandeur en fonction du temps.

Tableaux statistiques de W. Playfair.

En 1789, W. Playfair[1] imagina de traduire par des courbes les variations que la dette d’Angleterre a subies d’année en année, depuis l’époque de l’avènement du roi Guillaume, en 1688, jusqu’à l’an 1786. Ce tableau, représenté figure 4, montre une courbe qui s’élève d’une manière irrégulière de gauche à droite, ce qui veut dire que la dette s’est accrue dans la suite des temps. Les hauteurs comptées verticalement, c’est-à-dire sur les ordonnées, expriment, en chaque point, le chiffre de la dette. Or, chaque point, par la position qu’il occupe relativement à l’axe des abscisses, indique la date à laquelle il correspond. L’auteur s’adressant à un public pour lequel ce genre de notation était nouveau, insiste longuement pour expliquer comment une grandeur linéaire peut exprimer une somme d’argent ; il imagine ladite somme réalisée en espèces, sous forme de livres tournois empilées. Dès lors, dit-il, la hauteur des piles étant proportionnelle à l’importance de la somme, il devient tout naturel d’exprimer cette somme par la longueur qu’elle occupe réellement, ou par une longueur qui lui soit proportionnelle.

Playfair insiste en outre sur la clarté que donne ce genre de représentation, et, pour montrer que les courbes seules font apparaître clairement la signification d’une statistique, il rapporte que des assertions mensongères sur le commerce de l’Angleterre ont pu circuler sans démenti, bien que leur fausseté fût démontrée par des documents statistiques qui étaient entre toutes les mains[2].

  1. Tableaux d’arithmétique linéaire du commerce, des finances et de la dette nationale d’Angleterre, par M. W. Playfair. (Trad. de l’anglais, mars 1789. Paris, chez Barrois.)
  2. En 1769, époque où les exportations et les importations d’Angleterre furent plus grandes qu’elles ne l’avaient été auparavant, Junius (pseudonyme d’un écrivain politique de ce temps) dit que le commerce de l’Angleterre était extrêmement tombé. Cette assertion, aussi fausse qu’elle est hardie, ne fut relevée par personne quoiqu’on sache bien que cet auteur anonyme avait plusieurs antagonistes. Et pourtant les registres de la douane se trouvaient entre les mains des gens intéressés à prouver la