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III
INTRODUCTION.

continuelle défiance contre les renseignements qu’ils fournissent, la science a cherché d’autres auxiliaires pour la conquête de la vérité ; elle les a trouvés dans les instruments de précision. Depuis longtemps elle possédait les moyens de mesurer avec exactitude les dimensions, le poids, la composition, en un mot l’état statique des corps de la nature ; elle commence à étudier les forces dans leur état dynamique. Mouvements, courants électriques, variations de la pesanteur ou de la température, tel est le champ à explorer. Dans cette nouvelle entreprise, nos sens, à perceptions trop lentes et trop confuses, ne peuvent plus nous guider, mais la méthode graphique supplée à leur insuffisance ; dans ce chaos, elle révèle un monde inconnu. Les appareils inscripteurs mesurent les infiniment petits du temps ; les mouvements les plus rapides et les plus faibles, les moindres variations des forces ne peuvent leur échapper. Ils pénètrent l’intime fonction des organes où la vie semble se traduire par une incessante mobilité.

Tous ces changements dans l’activité des forces, la méthode graphique les traduit sous une forme saisissante que l’on pourrait appeler le langage des phénomènes eux-mêmes, tant elle est supérieure à tous les autres modes d’expression. Il n’est pas douteux que l’expression graphique ne se substitue bientôt à toute autre, chaque fois qu’il s’agira de définir un mouvement ou un changement d’état, en un mot un phénomène quelconque. Né avant la science et n’étant pas fait pour elle, le langage est souvent impropre à exprimer des mesures exactes, des rapports bien définis.

Dans les premiers âges de l’humanité, l’échange des idées ne pouvait se faire que par signes ; un usage qui, du reste, changeait suivant les lieux et les temps, attribuait à certains