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II
INTRODUCTION.

véritable de nos idées, signale en même temps la source de nos erreurs. Personne ne doute aujourd’hui qu’il ne faille se défier des témoignages de la vue, de l’ouïe ou du toucher. La sphéricité de la terre, sa rotation diurne, les distances des astres et leurs volumes immenses, toutes nos connaissances astronomiques pour ainsi dire, sont autant de démentis donnés à l’appréciation de nos sens. On en peut dire autant d’une foule de notions de physique ou de mécanique, comme la pesanteur de l’air, la discontinuité des sons et de la lumière, etc. Les sensations de froid ou de chaud que nous fournit le tact n’ont plus la signification absolue qu’on leur attribuait autrefois ; elles ne sont plus, pour personne, que des appréciations purement relatives et souvent trompeuses de la température des corps.

La physiologie de la vision, en expliquant la fonction de l’œil, a tracé les limites au delà desquelles cet organe cesse de nous fournir des notions exactes ; certains instruments d’optique, tels que le microscope, le télescope, le stéréoscope, construits en vue de nous donner des illusions sur le volume des corps, leur distance, leur forme et leur relief, ont complété l’éducation de la vue et nous ont appris à discerner les apparences de la réalité.

Bien que moins avancée, l’analyse physiologique des autres sensations n’en est pas moins fort intéressante. Les illusions de l’ouïe et du toucher fourniraient une intéressante étude de philosophie conduisant à cette conclusion de la physiologie moderne : que toutes les idées que nous nous faisons du monde extérieur sont le résultat d’une longue et inconsciente éducation de nos sens, d’un contrôle incessant de nos sensations les unes par les autres.

Dégagée du préjugé de l’infaillibilité des sens et tenue en