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et les oisifs viennent planter leur tente pendant un mois ou deux, ma porte eût été littéralement assiégée par une foule de visiteurs des deux sexes, qui, sous prétexte que je devais m’ennuyer seul, m’eussent proposé de me distraire en leur compagnie, au moyen de bains plus ou moins prolongés, de parties de dés plus ou moins ruineuses, de bals plus ou moins décolletés. À Umaro, je n’avais à redouter aucune de ces propositions malséantes, n’ayant d’autres voisins qu’un meunier cholo tout occupé de ses moutures, et quelques commères qui passaient leurs journées à fabriquer de la chicha et leurs nuits à la boire, gens de bien s’il en fut, point bavards, peu curieux, et qui, loin de chercher à faire ma connaissance, soit à la faveur d’un salut, soit à l’aide d’un compliment, quand, par hasard, je les surprenais assis au seuil de leurs chaumières, se levaient en m’apercevant et rentraient aussitôt chez eux, comme des limaçons dont on touche les cornes.

La demeure que j’avais prise en location pouvait passer pour un château, à côté des sept ou huit ranchos que comptait le village ; aussi les habitants de ce dernier, par égard pour la tournure de l’édifice, auquel se rattachaient à titre de dépendances un morceau de terrain en friche et deux figuiers improductifs, ne l’appelaient-ils jamais autrement que la hacienda, qualification qui, dans leur idée, équivalait à celle de domaine.