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nuer à faire les affaires du président Vidal, il eût à s’occuper des siennes, vu qu’à partir de cette heure ce n’était plus Vidal, mais bien lui, Vivanco, que les populations reconnaissaient pour seul et véritable président du Pérou. On devine facilement que je ne pus être reçu. Qu’importaient d’ailleurs au triomphe de la conquérante les félicitations d’un obscur voyageur, quand une députation de bourgeois aréquipéniens piaffait déjà sous ses fenêtres, n’attendant que le moment de ployer le genou devant la présidente ?

Je repris à pas lents le chemin de mon domicile, et, pour me consoler de ma mésaventure, j’improvisai sur les hasards de la fortune une soixantaine de coplas en espagnol, que je regrette fort de ne pouvoir transcrire ici.

Le soir vint et l’animation redoubla dans la ville. Des lampions furent accrochés aux fenêtres, des bandes de soldats, ivres d’enthousiasme et de resacado, parcoururent les rues, escortés de leurs rabonas échevelées et accompagnés de joueurs de guitare. Le peuple suivait en dansant. Sur la plaza Mayor, en regard de la cathédrale, une estrade tendue de velours rouge avait été dressée, autour de laquelle quelques trombones exécutaient de brillantes fanfares. Chaque chicheria ou cabaret eut son festival. Vers neuf heures, quand l’ivresse, comme dit Rabelais, eut gagné jusqu’aux sandales, danseurs, buveurs et musiciens abandonnèrent les tavernes et,