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minence du danger que m’annonçait la voix mystérieuse, j’avais oublié que toutes les fenêtres des maisons de la ville sont garnies à l’extérieur de barreaux de fer destinés à protéger leurs habitants aux jours d’émeute, et comme l’architecte de celle que j’occupais n’avait rien négligé sous ce rapport, cet oubli de ma part, joint au brusque contact de mon front avec les barreaux, avait eu pour résultat une douleur aiguë, presque aussitôt suivie d’une bosse.

Étourdi du coup, je me laissai tomber dans un coin de la baie, où, tout en frictionnant la partie contusionnée avec la paume de ma main, j’essayai de prêter l’oreille. Un bruit de foule, une espèce de piétinement auquel se mêlaient des clameurs confuses, s’entendait du côté de la Lloclla (prise d’eau) qui se trouve au pied du volcan Misti, à l’est d’Aréquipa. Bientôt la rumeur grossit, et les voix, devenues plus distinctes, parurent se diriger vers le quartier de Santo Domingo ; l’émeute, car c’en était une, se rapprochait du centre de la ville ; mais pourquoi cette émeute, quand la bataille d’Agua Santa, gagnée par le général Vidal, avait assuré définitivement à celui-ci le pouvoir que lui disputaient depuis longtemps les généraux Torrico, Orbegoso, la Fuente, San-Roman et l’ex-président du conseil d’État Menendez ?

Pendant que je cherchais le mot de cette énigme avec une ardeur qui m’empêchait de constater l’aug-