Je suivis Sahuaraura dans son cabinet de travail, élégante retraite tendue d’une vieille étoffe de soie et garnie d’étagères, où d’admirables échantillons de bric-à-brac péruviens étaient entassés pêle-mêle. Une fenêtre ouverte sur le jardin laissait voir à travers un réseau de cobœas et d’aristoloches, un coin du ciel rougi par le soleil couchant.
« Un Inca du bon temps, me dit-il, en ouvrant un de ces bahuts de chêne finement sculptés qui datent de la conquête espagnole, vous eût offert, après le dîner, quelques feuilles de cuca[1] pour aider à la digestion ; Moi, pauvre rejeton du grand arbre, je ne vous offre qu’un cigare ; cela vous va-t-il ?
— Parfaitement, » lui répondis-je en prenant un puro de Guayaquil dans la caisse qu’il me tendait.
Le chanoine en prit un aussi, l’humecta délicatement entre ses lèvres, se procura du feu à l’aide d’un yesquero et me présenta son cigare allumé avec cette grâce coquette que les Espagnols ont transmise aux Américains, leurs descendants ou leurs colons.
« À présent, reprit-il, en chassant par ses narines un flot de fumée, parlons un peu de ce qui vous intéresse. Vous m’avez dit tantôt que le sacristain
- ↑ Erythroxilum coca, petit arbuste de la famille des malpighiacées. Les Indiens des deux sexes mâchent les feuilles de cet arbuste, qui sont au Pérou l’objet d’un commerce important.