l’audace d’attirer chez elle des voyageurs qu’un de mes correspondants m’adressait de Calca ; vous comprenez qu’une honnête mère de famille ne se voit pas retirer ainsi le pain de la bouche sans crier un peu…
— Pardon, dis-je à la femme, mais je ne m’explique pas une concurrence aussi acharnée, à propos d’unuelas ?
— Vraiment ! mais monsieur ne sait donc pas que le commerce de l’unuela est une source de richesses pour notre ville, et que ce commerce s’étend, non-seulement aux capitales voisines, mais même à la côte du Pacifique, où nous expédions ces fruits par milliers.
— J’avoue que je l’ignorais complétement.
— Oh ! dans ce cas, monsieur ne sait pas non plus que la saison des unuelas attire chaque année à Urubamba les caballeros et les señoritas de vingt lieues à la ronde, et que, pendant un mois ou deux, les bals, les concerts et les cavalcades font de notre ville un vrai paradis du bon Dieu.
— Mais, fis-je observer à mon complaisant cicerone, comment, puisque les unuelas sont déjà mûres, votre ville est-elle encore si morne, que je l’ai crue un moment veuve d’habitants ?
— Ah ! c’est que la saison du fruit commence à peine ; mais si monsieur veut repasser dans une quinzaine de jours, il trouvera bien du changement ! »