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messe, qui eût dégénéré bien vite en bacchanale, si les deux cloches de l’église, — qu’on ne s’attendait guère à voir figurer en cette affaire, — n’eussent fait entendre un carillon plaintif qui changea sur-le-champ les dispositions bruyantes de l’assemblée en un silence sépulcral. Pendant que je déplorais ce contre-temps, la porte de l’église s’ouvrait à deux battants, laissant voir l’intérieur ténébreux de la nef, où brillaient comme des vers luisants les lumières de quelques cierges. Un changement de conversion s’opéra dans la foule ; les oisifs et les curieux s’écartèrent à droite et à gauche, laissant un espace vide au centre duquel les douze Indiens formèrent un groupe isolé. Au premier son des cloches, les femmes s’étaient hâtées d’épuiser leurs amphores en versant triple ration à leurs époux ; à peine se furent-elles retirées, que ceux-ci, restés seuls, firent volte-face, crachèrent d’abord leur chique de coca, essuyèrent ensuite leurs lèvres au revers de leur manche, et, ôtant leur montera, s’agenouillèrent pour entendre la messe de la mita, que le curé allait dire à leur intention. Pareille cérémonie a lieu chaque fois qu’un ordre du gouvernement enlève les Indiens à leur pueblo pour les envoyer dans une province voisine.

Entre l’offerte et la secrète, le bedeau sortit de l’église, vêtu d’un peignoir blanc et muni d’un plat d’étain, qu’il vint présenter tour à tour aux douze