blement vous ne le savez pas, que, de toutes les provinces du bas Pérou, Cailloma est la seule sur le compte de laquelle l’État soit incomplétement renseigné. Non-seulement la statistique de Cailloma lui est inconnue, mais les limites de son territoire sont si vaguement fixées, que les habitants des pays limitrophes, mal conseillés comme toujours, par leurs caciques respectifs, ont avec ceux de Cailloma des discussions fréquentes au sujet de ruines ou de pâturages que chacun d’eux revendique comme sa propriété légitime. Ces discussions, qui se terminent habituellement à coups de fronde et de massue, ont pour résultat annuel un certain chiffre de morts et de blessés. Vous comprenez qu’un pareil état de choses ne saurait être toléré plus longtemps ; l’humanité le réprouve, les républiques voisines pourraient en être informées, et l’éclat de notre gloire nationale finirait par en être terni. Mû par son amour de père et conseillé par sa sagesse de législateur, Son Excellence le général Guttierez, notre illustrissime et bien-aimé président, a donc décidé qu’il serait procédé sans délai à un arpentage général de la province de Cailloma, et que ses limites seraient déterminées au moyen de piquets plantés à une distance de cinquante vares.
— Eh ! c’est une idée ! fis-je ; seulement, il est fâcheux que le bois dont on fait les piquets ne se trouve en aucun endroit de la province.