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lama, que le pasteur brûlait dans sa cuisine à défaut d’autre combustible. Une escouade de six d’entre eux allait glaner chaque matin, de corral en corral, l’inflammable excrément. En échange de ces travaux, les premières recevaient une montera bleue ou rouge, à leur choix ; les seconds, un poncho de laine, qui leur étaient délivrés chaque année, le jour de la fête de saint Isidore le Laboureur, patron de Coporaqué. Les béatas ou béguines de la localité étaient également l’objet de la sollicitude du curé. Ces saintes femmes, au nombre de huit, touchaient le 1er de chaque mois une somme de deux réaux d’argent (environ vingt-huit sous), à la charge par elles de balayer l’église, de fourbir les cuivres, de blanchir les nappes d’autel, les surplis et les chemises du pasteur, de chanter les répons, antiennes et litanies, et d’arracher un chiendent vivace qui infestait les alentours du presbytère.

Ces détails locaux, que je sténographiais tout en dessinant, et que leur narrateur avait embellis d’une foule de commentaires, furent interrompus sur les quatre heures de l’après-midi, par l’apparition de la gouvernante du curé, une chola brune et accorte, qui, en entrant d’un air effaré, s’écria :

Ha llegado el ladron ! (le voleur est arrivé).

Le mot qui terminait la phrase me fit dresser l’oreille, et je regardai le curé comme pour lui en demander l’explication.