Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bientôt le long de leurs flancs, atteignit leur base et l’enveloppa de son blanc linceul. Ainsi hérissé de frimas, l’immense paysage eut un aspect sublime. Il est vrai que le froid allait augmentant et que mes doigts, mordus par l’onglée, ne tardèrent pas à me refuser leur office ; mais l’enthousiasme qu’éveillaient en moi les splendeurs de cette nature, qui, mieux que l’Océan, rappelait l’infini, me rendit insensible à l’action de la brise, et dans un accès de lyrisme, il m’arriva d’apostropher la muse des régions polaires, ce qui surprit si fort les mozos qui m’accompagnaient, qu’ils accourent en toute hâte me demander si je n’avais pas besoin de leurs services : les braves gens me croyaient fou.

La région des neiges que nous traversâmes était aussi la région des orages. Matin et soir, nous fûmes régulièrement assaillis par des tourmentes qui me causèrent plus d’effroi que d’admiration ; ces tourmentes, d’un caractère d’ailleurs assez pittoresque, commençaient par une trombe de vent qui s’élançait d’une quebrada voisine, comme de l’outre d’Éole, passait sur la face des montagnes et dispersait leurs neiges en blanche fumée ; puis après avoir sifflé, gémi, hurlé, en se heurtant aux angles des rochers, disparaissait aussi brusquement qu’elle était venue ; alors, le ciel noircissait à vue d’œil, de gros nuages ronds descendaient vers la terre, se rapprochaient, s’aggloméraient et finissaient par