tion. Le frêle bâtiment, pavoisé aux couleurs péruviennes et son taille-mer tourné au large, était placé sur une accore et soutenu par deux de ces étais que les marins appellent des béquilles. À l’élégance de sa guibre, à l’étroitesse de sa poupe et surtout à la tonture audacieuse de ses flancs finement évidés, on devinait le gabarit en honneur dans les chantiers de l’Amérique du Nord. L’Indépendance, en effet, comme je le sus plus tard, avait été construite à New-York et expédiée à Islay par pièces détachées et numérotées, qu’on n’avait eu que la peine d’assembler. Les diverses parties de sa mâture, depuis les mâts de hune jusqu’aux vergues et aux boute-hors, gisaient sur la plage, où les Indiens s’amusaient à en mesurer la grosseur.
En rentrant, je trouvai le déjeuner servi et mes connaissances de la veille réunies autour de la table. Une place m’avait été réservée entre les époux Matara, et, tout en m’excusant de m’être fait attendre, je m’efforçai de regagner le temps perdu. Le baptême et le lancement de la goëlette devaient avoir lieu à onze heures, et, comme il en était déjà plus de dix, chaque convive avala les morceaux doubles, et, le chocolat pris, se hâta de quitter la table, les hommes pour s’enquérir du programme de la cérémonie, les femmes pour s’occuper de leur toilette ;
premiers enfants du Soleil. Un temple délié à cet astre s’élevait autrefois dans la plus grande de ces îles.