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Un tonnerre d’applaudissements, auxquels je joignis les miens, salua la dernière strophe du yaravi ; mais Anita, accoutumée sans doute à de pareils hommages, en parut médiocrement flattée, et, jetant la guitare aux bras de sa mère d’un air fort irrespectueux, regagna son ancien poste où ses adorateurs vinrent la rejoindre.

« Quelle fille ! monsieur, me dit à l’oreille la dame Matara, dont la voix tremblait de colère ; croiriez-vous qu’elle nous parle, à son père et à moi, comme si nous étions des pongos ?… Allez, c’est une rude croix que Dieu nous a envoyée, et je plains de tout mon cœur l’homme qui sera son mari ! »

Par politesse, je ne répondis pas à cette bonne mère que j’étais entièrement de son avis, et, la voyant disposée à épancher son cœur dans le mien, je me levai sous un prétexte de fatigue, et, après avoir pris congé d’elle, j’allai demander à M. Saunders s’il s’était occupé de me trouver un logement. À ma grande surprise, il me répondit que je n’avais qu’un pas à faire pour être rendu chez moi, les époux Matara ayant offert, par considération pour lui, de me donner le vivre et le couvert pendant la durée de mon séjour à Puno. Là-dessus, il me conduisit dans un petit bouge décoré du nom d’aposento, et, me montrant quelques peaux de moutons étendues sur le sol et recouvertes, par décence, d’un drap de calicot grossier, il me quitta après m’avoir