Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restait à débattre entre nous, c’était de savoir comment nous nous y prendrions pour concilier notre envie de dormir avec les lois de la bienséance, Huarmi-Juana ne paraissant pas disposée à passer la nuit en plein air, et ma pudeur s’effarouchant à l’idée de dresser ma couche à trois pas de la sienne, je ne sais trop de quel œil le mozo envisageait la situation, ni quelle conséquence il en tirait pour son propre compte, mais il devina mes perplexités et se chargea d’arranger l’affaire. Moyennant quatre réaux de supplément, la Juana consentit à nous abandonner sa chambre et à aller partager le lit d’une de ses comadres. Nous restâmes donc maîtres du logis, et comme la plénitude de mon estomac redoublait encore mon besoin de sommeil, en un clin d’œil j’eus terminé mes apprêts nocturnes et posé ma tête sur la selle, qui, suivant l’usage, me tenait lieu d’oreiller. Cinq minutes après, mon corps, immobile comme un lingot de plomb, laissait à mon esprit la faculté de s’envoler dans le monde des rêves.

Éveillé de bonne heure par la rigueur du froid qui redoublait aux approches de l’aurore, le premier être animé que j’aperçus en mettant le nez dehors fut Huarmi-Juana en faction devant sa porte. Je compris que l’Indienne, craignant d’avoir affaire à deux filous, qui, après avoir abusé de ses services et l’avoir dépossédée de sa demeure, tenteraient de