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sous moi. Adieu le plantureux souper que je dévorais par avance et la molle couche que j’avais rêvée ! Je regardai le mozo avec des yeux flamboyants, et, pour ne pas céder à la tentation de le rouer de coups, je me dirigeai incontinent vers le hangar indiqué, où je trouvai quelques peaux de moutons que j’étendis à terre. Je recouvris le tout d’un de mes ponchos, et, enveloppé dans l’autre, j’essayai de m’endormir ; pendant quelques minutes, ce fut une lutte effroyable entre la colère, la fatigue et la faim ; mais la fatigue finit par l’emporter, et les tressaillements nerveux dont j’étais agité cessèrent par degrés et furent remplacés par un calme profond.

J’étais tombé dans cette espèce de somnolence où l’on a encore la perception des choses, mais où l’on a déjà perdu l’usage de ses sens, lorsque j’entendis, ou je crus entendre, heurter de nouveau au volet de la case inhospitalière. Un colloque des plus animés s’établit bientôt de l’intérieur à l’extérieur ; des menaces lui succédèrent ; puis la porte s’ouvrit avec fracas, et, toujours sous l’empire de mon demi-sommeil, il me sembla que deux hommes se prenaient aux cheveux et s’administraient force gourmades, pendant qu’une femme, succinctement vêtue et les bras étendus comme l’Hersilie du tableau de David, essayait de les séparer en employant tour à tour les cris et les supplications. La pesanteur de