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meurerait en possession de l’autre. Grâce à ce système de remorque auquel j’applaudis, ma mule, bien qu’elle tentât de protester contre un mode de locomotion tout nouveau pour elle, se vit immédiatement entraînée à raison de trois milles à l’heure.

Avec la lumière avait disparu la chaleur, et, comme il arrive sous ces latitudes, l’air, après avoir fraîchi graduellement, finit par devenir glacial. Bientôt les sentiers que nous parcourions commencèrent à s’élever en spirale, et notre marche prit le caractère poétique d’une ascension ; il est vrai qu’à chaque cercle qu’il nous arrivait de décrire, la température baissait d’un quart de degré, et que le plaisir qu’en toute autre occasion j’eusse goûté à voyager de la sorte était complétement annulé par le froid cuisant que je ressentais.

Cette ascension me parut durer une couple d’heures, au bout desquelles une bouffée de vent glacé, qui m’atteignit au visage, m’apprit que nous touchions au faîte de quelque montagne ; en effet, dans la même minute le paysage changea d’aspect, comme un décor d’opéra au coup de sifflet du machiniste. Les serros s’affaissèrent, les sentiers disparurent, un ciel brodé d’étoiles s’étendit au-dessus de nos têtes, pendant que sous nos pieds, à des profondeurs vertigineuses, une plaine d’environ dix lieues d’étendue, dont la noire surface était zébrée de fils d’argent et piquetée de points lumineux, se développait