Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne tardèrent pas à expirer dans un rauque murmure. Au douzième coup de l’horloge, le silence était devenu si profond, qu’en fermant les yeux, on eût pu se croire au milieu d’une sierra déserte. Cette foule, naguère hurlante et indisciplinée, s’avançait à cette heure vers le lieu saint, sans bruit, sans précipitation, les bras croisés sur la poitrine, l’air si saintement recueilli, que sans la sueur qui coulait encore à flots des visages, le désordre des vêtements et l’odeur infecte de la plupart des haleines, preuves irrécusables de l’orgie à laquelle tout ce peuple s’était livré, j’eusse fini par croire que j’avais fait un rêve, et que les épisodes de la soirée n’étaient que des chimères écloses dans quelque coin de mon cerveau.

Le dernier fidèle était à peine entré dans l’église, que José Tamal m’entraînait sous le porche, où se trouvait, dans l’angle de la muraille, une échelle de meunier qu’il se mit à gravir, en m’engageant à suivre son exemple. Cette échelle nous conduisit au jubé, espèce de boîte oblongue et treillissée à hauteur d’homme. À la clarté douteuse d’un quinquet accroché au mur, j’aperçus en entrant une douzaine d’enfants groupés autour d’un corps volumineux de figure rectangulaire, placé sur deux tréteaux, et que je pris pour une malle, mais qu’en l’approchant de plus près, je reconnus pour un orgue de Barbarie. Après m’avoir offert un escabeau et s’être assis lui-