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notre aumônier. Enfin, monsieur, que vous dirai-je ? Satisfait de ma position, fier, à juste titre, des progrès de mon intelligence, heureux de posséder l’estime et la confiance de mes chefs, dont les libéralités augmentaient chaque année de quelques pièces d’or, le produit de mes économies, l’existence n’eût été pour moi qu’un long jour de fête, sans une maudite rencontre que je fis dans le monde et qui détruisit à jamais mon repos et ma félicité.

« Selon la règle établie dans l’hospice, chaque employé avait à la fin de la semaine un jour de sortie qu’il était libre d’employer à sa guise. Je consacrais habituellement le mien à parcourir la campagne pour y chercher des simples, ou à visiter quelques amis de choix que j’avais dans la ville. On parlait beaucoup, à cette époque, d’un Titiretero[1] célèbre, arrivé de Lima, et dont les représentations passionnaient la foule. Ce genre de divertissement, qui m’était inconnu, piqua si vivement ma curiosité que je crus devoir sacrifier un réal pour m’en procurer la jouissance. Avec l’agrément de mes chefs, je me présentai donc un soir aux portes du théâtre, où une belle fille, coiffée d’une manière étrange, prit la pièce d’argent que je lui tendais et m’admit dans l’intérieur. J’y trouvai nombreuse compagnie. On jouait ce soir-là une tragédie intitulée : Los Lances y

  1. Joueur de marionnettes.