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À mesure qu’elles se rapprochaient du sol, il s’en détachait de longues flammèches noirâtres, pareilles à des traînées de fusain qui flottaient un moment dans l’espace et finissaient par s’accrocher aux dentelures des montagnes, qu’elles cachèrent bientôt entièrement. La brise était tombée. Les tiges de l’ichu (jarava), seule graminée qui croisse dans cette partie de la Cordillère, ne vacillaient pas d’une ligne. Un orage se préparait.

Le site que nous traversions en ce moment, vaste plaine sillonnée de rides profondes creusées par l’écoulement des neiges, ne pouvait offrir aucun refuge contre la tempête. Un seul parti nous restait à prendre, c’était d’éperonner nos mules, afin d’arriver le plus tôt possible à la rancheria de Colca, que mon guide assurait être à une petite distance.

Nous trottions depuis un quart d’heure, indifférents aux plaintes de nos montures, à qui chaque coup d’éperon arrachait un soupir lamentable, lorsqu’un coup de tonnerre sec, vibrant, sonore, se fit entendre, comme le prélude de la symphonie que les éléments concertaient entre eux. Du trot cadencé, nous passâmes alors, l’éperon aidant, au galop furieux, mais les jambes des animaux ne pouvaient lutter de vitesse avec la tempête qui se rapprochait de minute en minute, et je compris bientôt qu’à moins d’un miracle, nous n’échapperions pas au déluge qui nous menaçait. Le vent, un