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tres, qui servaient à la fois d’armoire, d’étagère et de garde-manger. Les jarres destinées à la chicha, cette bière de maïs que consomme le peuple indien, étaient empilées dans un coin de la hutte, dont le sol disparaissait sous une litière d’os de mouton, de paille de maïs et de pelures de pommes de terre. Entrevu dans le crépuscule, cet intérieur, jonché d’ordures et encombré d’objets étranges, rappelait à la fois l’antre de la sorcière et le parc à pourceaux.

Comme j’achevais mon inventaire, Santiago parut, et, après avoir ranimé le feu, s’empressa de calfeutrer les murailles à l’aide de paille et de chiffons qu’il ramassa çà et là. Ces soins pris, il laissa tomber la peau de vache suspendue par sa queue, qui servait à la fois de portière et de porte à l’habitation, et nous ne tardâmes pas à ronfler comme des gens harassés de leur journée. Les vagissements de l’enfant, qui s’éveillait avec l’aurore, nous avertirent qu’il était temps de nous remettre en route. En partant, je remis à notre silencieuse hôtesse une pièce de deux réaux, prix de la couchée, qu’elle noua dans le coin d’un lambeau d’étoffe qui couvrait ses épaules, après m’avoir adressé le remercîment habituel : Dios tacsé pagarasunki[1].

De Huallata à Colca, troisième poste signalée sur la carte des itinéraires péruviens, on compte sept

  1. Dieu seul te payera cela.