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paisses ténèbres, puis à un cri des muletiers toute la troupe fit halte. J’entrevis confusément un groupe de toitures, je vis briller quelques lumières ; nous étions à Marcapata.

Bien que notre entrée eût été assez bruyante pour faire aboyer quelques chiens et donner l’éveil à leurs maîtres, nous ne vîmes s’ouvrir ni portes ni fenêtres. Nos amis, perdant patience, demandèrent alors à grands cris le gouverneur ou l’alcade de la localité, pendant que, de leur côté, les arrieros appelaient les gens de leur connaissance. Les mules, renchérissant sur le tapage et surexcitées d’ailleurs par les émanations de la luzerne et du corral, hennissaient avec un bruit de clairon, sans s’inquiéter des mozos qui juraient après elles, ni des coups de bâton qui pleuvaient sur leur croupe. L’apparition du gouverneur, qui sortit d’une maison voisine, sa chandelle à la main, changea la tempête en bonace, comme dit l’illustre Corneille. Ce fonctionnaire, dont les vêtements étaient en lambeaux, et qui marchait nu-pieds, foute de chaussure, s’avança vers nous d’un air souriant, et après s’être enquis de l’état de notre santé, nous demanda, sans préambule, ce que nous souhaitions de lui. Don Pedro, en qualité d’avocat, était chargé de répondre aux harangues ; il satisfit à la demande du gouverneur avec un laconisme dont nous lui sûmes gré. Celui-ci eut à peine compris que nous réclamions de son obligeance le vivre